Annexée à l'Empire allemand à la suite du traité de Francfort signé en 1871, l'Alsace-Lorraine devient une question politique de premier plan lorsqu'éclate, au cours de l'été 1914, la Première Guerre mondiale. La prise de Mulhouse le 7 août 1914, si elle suscite un bel enthousiasme et accrédite un temps l'idée d'une victoire rapide sur l'Allemagne, représente aussi l'occasion d'un premier contact entre les troupes françaises et les Alsaciens-Lorrains. Tandis qu'une partie de la Haute-Alsace est désormais administrée par les armées françaises, cette confrontation avec le terrain permet de commencer à prendre la mesure des problèmes administratifs et juridiques que soulèverait un retour à la France des pays annexés dans leur totalité. Par « services d'Alsace-Lorraine », on entend l'ensemble des administrations civiles chargées des affaires d'Alsace-Lorraine. L'histoire de ces institutions, chargées d'abord d'un travail de préparation et de prévision, investies au lendemain de l'armistice du 11 novembre 1918 d'un pouvoir d'administration, constitue la matière de cet ouvrage. On est d'emblée conduit à se demander si les institutions mises en place à partir de 1914 ont accompli la mission qui leur était impartie. De par leur organisation et les personnalités sur lesquelles elles se sont appuyées, étaient-elles suffisamment qualifiées ? Peut-on apprécier la part des erreurs administratives dans la montée du « malaise alsacien-lorrain » au printemps 1919 ? L'étude des organisations chargées d'administrer les « pays annexés » nécessite toutefois de se pencher sur l'arrière-plan historique et institutionnel dans lequel elles s'inscrivent : celui d'un territoire intégré tant bien que mal à l'Empire wilhelminien, au cœur d'une imagerie française sentimentale et teintée de revanchisme, celui d'un possible laboratoire des réformes institutionnelles engagées par une IIIe République tentée par la voie de la régionalisation et de la réforme de l'état.